Acerca de
Le travail qui relie
DE
Joanna Macy
LE TRAVAIL QUI RELIE SE BASE SUR DIVERSES APPROCHES :
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L'écopsychologie, qui explore les interrelations profondes entre la psyché humaine et la terre. Elle "écologise" la psychologie (intègre la relation à la nature) et "psychologise" l'écologie ( elle intègre le sensible à l'écologie). Quelle relation peut-on faire entre la distanciation, voir la coupure avec le vivant et le mal-être individuel et sociétal actuel ?
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L'écologie profonde, de Arne Naess (voir résumé ci-dessous): Il ne suffit plus de protéger le vivant, il s'agit de penser et de vivre nos relations au vivant autrement. Pour Arne Naess les changements de fond dont la planète a besoin passeront par des changements de paradigmes à inventer collectivement.
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Renouer avec notre profonde humanité : La "culture moderne" n'a-t-elle pas survalorisé la raison et l'intelligence tout en dénigrant nos affects? Ne vivons nous pas "hors sol" selon la formule de Bruno Latour? N'avons nous pas besoin d'"atterrir sur terre" (Bruno Latour) pour renouer avec une réalité terrestre limitée? En incarnant notre sensibilité, en habitant notre intériorité et notre profondeur n'aurions nous pas un rapport plus juste et harmonieux avec le vivant?
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La pensée systémique, s’intéresse aux interrelations et aux interdépendances dynamiques du vivant. En regardant le système Terre dans sa globalité, nous reprenons notre part de responsabilité : tout ce que nous faisons, ou ne faisons pas, à des répercussions sur le reste du système.
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Passer d'une vision dichotomique de coupures; de culture ou nature, mental ou corporel, faire ou être, raison ou sensibilité; à une vision inclusive: passer du ou au et.
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Passer d'une pensée individualiste à une pensée sociale et collective. .
LES "ATELIERS DE TRAVAIL QUI RELIE"sont un processus de transition intérieure en lien avec le Vivant. Ils visent à retrouver ses capacités d'action en faveur d'un changement de cap sociétal par diverses pratiques:
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Nous relier à notre nature intérieure: corps, sensations, émotions, intuitions, profondeur...
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Nous relier à la nature extérieure: végétaux, autres animaux, minéraux, terre, eau, air...
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Nous relier à notre profonde humanité: quête de sens, dimensions poétique, dimensions non matérielles, quête d'harmonie, relation à plus grand que soi...
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Nous relier aux autres humains, à la dimension solidaire et collective.
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Nous relier au système Terre: reprendre notre place dans la "toile du vivant", dans les inter-relations et les inter-dépendances qui caractérisent le vivant.
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Nous sommes invités à sentir, à incarner toutes ces dimensions par l'expérimentations de diverses pratiques: des expériences de reliance à la nature, des pratiques corporelles simples (inspirées du yoga, qi gong, tai chi...), des exercices de respiration, des visualisations, des réflexions , des rituels ancestraux...
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De nombreux chercheurs (conf résumés ci-dessous) pensent que la culture "moderne" de la raison et de l’intelligence nous ont coupés de notre sensibilité et donc d'une profonde part de notre humanité. La spécificité du travail qui relie consiste à renouer avec cette humanité là: s’autoriser à sentir, à accueillir et à exprimer nos émotions en lien avec le vivant, dans un cadre sécure.
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En vivant nos émotions nous libérons des énergies qui étaient bloquées. Nous pouvons reprendre contact avec notre "empowerment", notre "pouvoir personnel", notre puissance d’action.
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Les exercices, les expérimentations et les partages en groupe permettent de se sentir moins isolé, de se soutenir mutuellement et de renouer avec la force nourrissante des relations avec les autres humains et les autres qu’humains.
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Avec l'éclairage systémique, les prise ne compte du temps long et du temps profond, nous pouvons porter un nouveau regard sur notre situation. Nourris par toutes ces expériences nous pouvons renouer avec notre capacité d'action.
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Le "travail qui relie" est un processus de transformation personnelle qui tend vers plus de cohérence et d'harmonie avec le Vivant en nous et autour de nous, dans un système Terre qui traverse une crise inédite.
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Le "travail qui relie" est un des outils de l'écopsychologie.
Joanna Rogers Macy a pensé et structuré le cadre théorique de la méthodologie appelée le "travail qui relie".. Elle est née 1929, elle est docteure en philosophie et docteure en sciences des religions. Elle est spécialiste de l'écologie profonde, de l'écopsychologie, de la théorie des systèmes et du bouddhisme. Militante engagée, elle a été porte-parole internationale pour la paix, la justice et la défense de l'environnement. Elle a consacré toute sa vie à la préservation du vivant. Joanna est l'autrice de onze livres. Son œuvre créé des ponts entre l’écologie, la philosophie, la systémie, le bouddhisme, et la psychologie.
Résumés de quelques théories qui sous-tendent le "travail qui relie"
Psychologie collective et déni du consumérisme :
Source : l’écopsychologie, M.Romanens.
Ralph Metzner (historien) et Paul Shepard développent l’idée d’une « mutation ontogénique » en occident : La société mercantile nous enferme dans des routines, dans des espaces restreints, dans une course à la productivité éreintante. Le culte de l’image et de l’apparence, amplifié par les écrans et les réseaux sociaux, créent encore plus de souffrances et de dépendances au matériel. Une poursuite désespérée du plaisir et des satisfactions immédiates (hédonisme) poussent à une frénésie de consommation et à une course obsessionnelle pour l’argent comme une fin en soi.
Carl Gustav Jung (1875-1961) écrit (dans l’homme et ses symboles) : « A mesure que la connaissance scientifique progressait, le monde s’est déshumanisé…son contact avec la nature a été rompu, et avec lui a disparu l’énergie affective profonde qu’engendraient ses relations symboliques ». Pourtant l’homme « primitif », animiste, âgé de plus de 2 millions d’années constitue le soubassement de notre psyché. Le mythe occidental moderne, qui met la raison au-dessus de tout nous a progressivement coupé de ces couches profondes (ressentis, intuitions, rêves, imaginaire, lien avec la transcendance…) en valorisant exclusivement la pensée et la conscience rationnelle.
La coupure avec la nature prive les corps et les âmes d’un ressourcement et d’un bien-être précieux. Les carences de lien avec le vivant sont le lit de ces comportements de comblement du vide intérieur, elles conduisent aux addictions. La société moderne donne l’illusion d’une solution consumériste et nous pousse à faire pour avoir au détriment de l’être. Elle induit une dissociation entre le corps et le mental, entre la raison et les affects. Nous sommes dans une dissociation psychique : le déni d’une partie de la réalité.
Pour Grégory Bateson, (Palo alto, approche systémique), un sujet ne peut pas être compris comme une entité séparée. Ce qu’il est, ses pensées, ses agissements, ses ressentis sont en rapport étroit avec le réseau complexe d’interrelations qu’il a vécu et qu’il vit avec les autres, avec son environnent au sens large.
La théorie des systèmes (milieu du XXème )
Source : l’écopsychologie, M.Romanens et écopsychologie pratique et rituels pour la terre. Les sciences et les pensées cartésiennes et newtoniennes sont mécanistes et analytiques. Elles séparent pour mieux étudier les sous-parties. Ces manières de procéder ont à la longue créé des dichotomies : en séparant la matière des processus, le soi de l’autre, la pensée des sentiments… C’est Ludwig von Bertalanffy, biologiste autrichien qui a initié une nouvelle « manière de voir », c’est-à-dire d’observer les relations, les synergies qui existent entre les sous-parties. Un système « est un ensemble d’éléments en interaction dynamique, organisés en fonction d’un but ». Le regard systémique ne se concentre sur les parties d’un tout, mais sur les processus qui les relient. Elle est axée sur les connexions et les interactions (relations, feedbacks) qui se produisent entre les composants et entre les composants et leur environnement. Elle permet d’aborder une situation dans sa globalité dynamique. Chaque système forme un tout (holon), mais lui-même est ouvert vers d’autres systèmes et tous ces systèmes en interrelation se régulent et s’auto-stabilisent pour réduire les écarts. En observant la nature par ce prisme on s’aperçoit que chaque système vivant s’auto-régule à partir d’une coopération spontanée adaptative entre les parties, pour un bénéfice mutuel. On observe un ordre qui s’élève du bas vers le haut et non du haut vers le bas comme dans nos approches hiérarchiques de contrôle classiques.
Arne Naess et l'écologie profonde (sources : une écosophie pour la vie, Arne Naess)
Arne Naess – 1912-2009, était un philosophe norvégien. Il a grandi les pieds dans l’eau à observer les animaux marins et plus tard il a passé beaucoup de temps seul dans sa cabane «Tvergastein ». Il était un alpiniste de renom. Sa pratique de l’alpinisme et son rapport intime à la montagne ont inspiré ses réflexions et sa philosophie de l’environnement.
Sa philosophie est inspirée de celle de Spinoza. Pour Naes, le tout est plus que la somme des parties. Les parties sont interdépendantes et reliées dynamiquement (holisme). Il nous invite à penser « l’indistinction entre les êtres humains et la nature », c’est-à-dire une forme de continuité fondamentale entre tout ce qui est. Rien n’existe de manière séparée, chaque chose existe en vertu des relations avec son milieu. Toute chose participe à un réseau relationnel qui est en continuelle évolution, dynamique, instable, créatif et qui est en interrelation continuée. Sa théorie de l’identification dit que devenir soi passe par la médiation-identification avec toutes les autres formes de vie (individus mais également entités du monde naturel, des écosystèmes ...). Ceci permet un élargissement de la conscience, développe l’empathie et la compréhension d’une commune appartenance à un même destin évolutif. A partir de là, l’égo individuel peut participer à la réalisation d’un Soi (S majuscule) qui déborde du soi individuel et qui nous donne envie de participer à sa grandeur. Arne Naess dénonce une culture de la raison et de l’intelligence dominée par les sciences mécaniciste de Galilée, Copernic, Newton, Kepler (XV, XVIème). Il déplore la non considération, voir le mépris des affects qui a entraîné une incapacité à nommer et à sentir ses affects (sensations-émotions). Cette culture à rendu les humains étrangers à leur propre vie intérieure et affective ce qui les condamne à la passivité et à l’impuissance! Il donne une place centrale à la Joie (Joie dans l’action, joie de la compréhension, joie dans les relations). Il prône la simplicité des moyens et la richesse des fins
Il est le fondateur de l’écosophie « la sagesse considérée dans sa relation avec le fondement de la vie sur terre »
L’écologie superficielle lutte contre la pollution et l’épuisement des ressources et a comme objectif la santé et l’abondance matérielle dans les pays développés. Alors que l’écologie profonde se base la valeur intrinsèque de tous les êtres vivants. Elle a une vision plus globale et égalitaire de tout le vivant. Elle est centrée sur le vivant et non sur l'humain. Elle travaille autour des changements de paradigmes.
La théorie de Gaia
Sources : l’ecopsychologie, M.Romanens
Dans les années 1970 la théorie des systèmes a influencé tout.e.s les scientifiques, dont James Lovelock et Lynn Margulis. Lovelock, en tant que spécialiste des sciences de l’atmosphère pense que la composition de l’atmosphère et les fluctuations de température terrestres sont régulées par les êtres vivants, notamment les bactéries. Lynn Margulis, spécialiste des cellules primitives, a fortement contribué au développement de cette théorie, en mettant en évidence le rôle tenu par les microorganismes dans la régulation de l'atmosphère. Elle considère que la totalité des êtres vivants et des constituants non-vivants forme un système autorégulé par boucles rétroactives. Selon cette perspective, l’homme et ses activités, en tant que composants de la biosphère, constituent une partie régulatrice ou déstabilisante d’une entité beaucoup plus large, le "système-terre". Lovelock a baptisé sa théorie « théorie de Gaïa » (déesse grecque de la terre) plutôt que « hypothèse des processus autorégulés de la biosphère », plus scientifique, mais tellement moins poétique ! En tant que système ouvert, dynamique, évolutif et non-linéaire, Gaïa s'apparente aux systèmes complexes. Ce système aurait la capacité de s’autoréguler et par extrapolation pourrait être considéré comme un organisme vivant !
Pouvoir sur et pouvoir avec
Sources : la gestalt, l’espérance en mouvement.
Le pouvoir sur est basé sur une vision du monde hiérarchisée, ou il y a des gagnants et des perdants. Il y a d‘un côté ceux qui savent, qui sont forts, qui possèdent les richesses, qui décident pour les autres. De l’autre côté ceux qui sont ignorants, qui sont faibles, pauvres, qui subissent. Cette pensée est très patriarcale, basée sur le statut, elle amène à la compétition, aux luttes de pouvoir, à l’accumulation de possessions et aux guerres. D’un point de vue psychologique elle prend ses racines dans l’inégalité enfant-adulte. Nous avons tous été un jour le petit enfant face à un grand adulte, la.e faible-ignorant.e en face d’un.e fort.e-sachant.e. Selon l’histoire de chacun.e nous gardons un rapport plus ou moins serein face à ces inégalités. Ce rapport d’inégalité se retrouve dans les rapports homme-femme, blancs-personnes de couleur, personnes majoritaires- minoritaires …
Le pouvoir avec, du latin « possere » = « être capable », c’est-à-dire lié à nos capacités !
La connaissance de nos capacités, de nos compétences, de nos qualités, et de nos limites ; la sagesse, la réflexion, les relations humaines, nourrissent nos capacités d’action justes et respectueuses du vivant.
En passant à une vision gagnant.e/gagnant.e, de pouvoir « partagé », nous pouvons considérer l’autre, et toute forme de vie, comme un.e confrère, un.e allié.e, un.e coéquipier.e . Ainsi nos qualités-capacités deviennent complémentaires et enrichissantes mutuellement.
Nous pouvons repérer plusieurs facettes dans le pouvoir de l’émergence :
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Le pouvoir des forces intérieures qui surgissent en soi (empowerment)
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Le pouvoir qui découle de la coopération (1+1=plus que 2), soutenu par la relation et la reliance à toute autre forme de vie
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Le pouvoir des petites actions qui participent aux grands changements (visible avec le recul, la vision plus globale)
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Lorsque nous agissons pour une cause plus grande que soi, une vision qui nous inspire, notre énergie est plus puissante.
Cette vision du pouvoir nous libère des buts à atteindre, elle nous porte à participer à un mouvement de vie stimulant et créatif qui nous dépasse et qui nous porte par cette notion d’appartenance à plus vaste que soi.
Les questions qui soutiennent cette pensée sont « qu’est ce qui se passe à travers moi ? » « Que puis-je offrir ? « Que puis-je donner ? » « Je rentre dans mon pouvoir personnel en… » « « Ce qui me donne du pouvoir c’est… »
Du pouvoir sur (lié à la possession), nous passons au pouvoir d’agir, le pouvoir comme verbe. On passe de « l’avoir » au « faire ». L’empowerment nous relie à ce qui est important pour nous et nous pousse à prendre soin de Vivre en prenant soin de nous et du Vivant. Notre pouvoir personnel s’appuie sur le sens de nos actions et il se nourrit de ce qui nous inspire, que se soient d’autres êtres humains, les animaux, les plantes…
En résumé : Mutilation de l’être, tendances autistiques (repli sur soi), amnésie, dissociation, angoisses existentielles, remplissage artificiel du vide intérieur sont le résultat des coupures entre soi et soi-même, entre soi et l’autre et entre soi et le vivant. Une société qui privilégie la production-consommation, qui privilégie l’avoir au détriment de l’être, maintient le sujet à l’extérieur de lui-même et le coupe de sa réalité profonde ! La voie de sortie de cette impasse est clairement de recréer du lien, à tous les niveaux. C'est là l'ambition du "travail qui relie".